Le temps presse. Ce 18 juin, Halima Ahmed est sur le point d'accoucher – pour la cinquième fois. Mais comment se rendre à l'hôpital le plus proche? Sa petite ville, Amerli, à 160 km au nord de Bagdad, est cernée par les djihadistes depuis dix jours. Tous les accès sont fermés. Il reste bien une piste étroite, mal surveillée. Et il est hors de question de tenter de négocier avec les djihadistes. Les 15.000 habitants de la ville sont turkmènes chiites, une branche de l'islam qui constitue la première cible de l'État islamique. Amerli est la dernière localité chiite à résister encore dans cette plaine entièrement sous le contrôle des djihadistes. Quelques centaines de soldats et de volontaires la protègent. "La situation des habitants d'Amerli est désespérée et nécessite une action immédiate pour empêcher un possible massacre", a déclaré hier le représentant spécial de l'ONU à Bagdad, Nikolaï Mladenov. "Les alliés de l'Irak et la communauté internationale doivent travailler de concert avec les autorités irakiennes pour éviter une tragédie", a-t-il ajouté.

Il est d'autant moins question de négocier que sur les téléphones portables de tous les chiites de la région circulent des photos et des vidéos glaçantes. Le 10 juin, jour de la chute de Mossoul, l'État islamique avait diffusé sur les réseaux sociaux une vidéo d'une heure, de qualité professionnelle, pour illustrer sa barbarie : des exécutions sommaires, une décapitation. Dans un extrait, un père et son fils étaient filmés en train de creuser leurs tombes sous les moqueries, pour être exécutés dans la foulée. Plus tard, le 15 juin, l'État islamique proclamait avoir liquidé 1.700 soldats irakiens. Chiffre invérifiable et jamais vérifié. Mais cette stratégie de la terreur fait partie intégrante du mode opératoire d'Al-Furqan ("le discernement", en français), le département média des djihadistes.
Rumeur ou non, il est trop tard dans l'esprit de la population : l'exécution de 1.700 soldats a désormais valeur de vérité. "Ils n'ont aucun respect pour le genre humain. Ce sont des bêtes sauvages", dit un cousin de Halima. D'autant plus que l'État islamique continue sa campagne d'intimidation et de mort sur tous les fronts. La rumeur publique veut aussi que, parmi ceux qui ont choisi de rester à Mossoul, l'État islamique continue de se livrer à des exactions. Des hommes seraient exécutés, des femmes enlevées et vendues sur les marchés de Mossoul, ou transférées en Arabie saoudite. L'État islamique laisse courir les rumeurs. Certaines se vérifient : des dizaines d'hommes yézidis, une minorité kurdophone non musulmane, ont été exécutés dans le village de Kocho le 15 août. Quant aux femmes, certaines seraient enfermées, en tant qu'otages, sans qu'on puisse deviner quel sera leur sort. Dans l'intervalle, Amerli a été un peu oublié. Les Turkmènes chiites, 4 % de la population irakienne, n'ont que peu de relais à l'étranger.
Livrer du pain et des armes
Halima a pu sortir, grâce à la complicité d'un Arabe sunnite d'un village voisin. Elle a réussi à accoucher à Kirkouk de Zeinab – qui porte le nom de sa grand-mère. La fille, la mère et l'aïeule sont sauves. Mais peu après leur départ, le siège d'Amerli est devenu implacable, alors que la chaleur de l'été irakien donne toute sa puissance.
"On avait pas mal de réserves, au début, dit Halima. Mais vers la fin juin, on a commencé à manquer de tout. On pensait qu'on nous viendrait en aide plus tôt. À partir du mois de juillet, il n'y avait plus que du pain et des oignons." Selon Mohamed Ismat, le coordinateur du Croissant-Rouge irakien pour Amerli, "les gens se contentent d'un pain par jour. L'armée irakienne ne peut envoyer que deux hélicoptères par semaine. Ce n'est pas assez, sans compter qu'avec les vivres les cargaisons doivent faire la place aussi pour les armes et munitions destinées aux résistants. Seules 1.000 personnes, sur 15.000 habitants, ont pu sortir jusqu'à présent." Les rares rescapés racontent des scènes apocalyptiques d'hélicoptères pris d'assaut par la population. Halima n'a pas vu son mari et ses quatre autres enfants depuis deux mois. Ils sont toujours bloqués à l'intérieur de la ville. À cause des conditions d'hygiène, les maladies de peau se développent. Il faut parfois se réduire à boire l'eau salée de puits antédiluviens. Aux dernières nouvelles, selon un colonel de l'armée irakienne, les forces de sécurité étaient en train de prendre position hier dans des secteurs au sud et au nord de la ville, dans la perspective d'une contre-offensive.
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