Rien de telle qu'une question existentielle pour revenir à l'écriture de ce
blog après quelques mois (5 !) d'abstinence. Rien de tel non plus qu'une bonne
petite menace de fermeture dudit blog pour abstinence précisément : ici est ton
blog, ici tu dois écrire, me dit-on. J'obéis, j'obtempère et j'écris. Une
question existentielle à traiter donc. On se gausse évidemment. Comment
voulez-vous qu'ici il soit question d'existentiel ?! Il ne s'agit après tout que
d'une infime modification dans l'ordre des mots, d'un seul mot même, à
l'intérieur d'une phrase par ailleurs glaçante et qu'on dirait tout droit sortie
d'un cadavre exquis surréaliste : la prochaine fois je viserai le cœur. On le
sait, c'est le titre du nouveau film de Cédric Anger avec Guillaume Canet dans
le rôle d'un gendarme assassin qui enquête sur ses propres crimes. Cette phrase
n'est pas le fuit de l'imaginaire d'un scénariste doué. Elle est extraite d'une
lettre manuscrite qui appartient désormais au dossier d'instruction de l'affaire
dont le film se veut un reflet. Cette phrase, c'est le gendarme en question qui
en est l'auteur. Or, lui a réellement écrit : "La fois prochaine je viserai le
cœur". Prochaine fois, fois prochaine... et c'est pour ça que le blogueur
revient vers nous ? Ce n'est pas un alibi, c'est à peine le début d'un
sujet.
photo: robe de
cérémonie fille
On est dans la farce là, chez Molière : "D'amour vos yeux beaux mourir me
font..." Que nenni ! On nous permettra de penser que l'ordre des mots a un sens.
Dans le cas présent, l'inversion ne change pas la signification immédiate du
texte : la prochaine fois je viserai le cœur vaut bien la fois prochaine fois je
viserai le cœur. Dont acte. Mais alors, pourquoi changer ? Versus, mais alors
pourquoi se prendre le choux en posant cette question ? Ami lecteur bénévole,
ces deux questions sont et l'une et l'autre paradoxalement pertinentes, je n'en
doute pas... Et pourtant, la "fois prochaine", cela peut dire autre chose, non ?
Enlever le "s" de fois pour voir un peu... La foi prochaine... Tiens donc; notre
gendarme dingo aurait pu être un peu mystique. Tout fou Lacan, entonnent déjà
les éternels rétifs à l'interprétation et à l'inconscient qui parle. Tant pis
pour eux et poursuivons un peu. Ainsi donc la foi fait ici défaut. Et pour
cause, Dieu est absent de cette série de meurtres atroces : pas de pitié, pas de
miséricorde et surtout pas de foi ni religieuse, ni matériellle. Noir, c'est
noir, comme dirait Jean-Philippe Smet ! Bref, pour la fois on repassera et ce
n'est qu'avec la foi qu'il peut être question de cœur. Dommage que les
producteurs-distributeurs aient envoyé valsé d'un revers d'affiche cette
ambivalence bigrement séduisante. Avec "la prochaine fois", on reste certes dans
le sublime mais on perd en essentiel. Et puis c'est quoi ce gendarme qui
parlerait comme une prophétie ?Heureusement que les producteurs de Jacques
Audiard n'eurent pas la même idée saugrenue : cela aurait donné "Mon cœur s'est
arrêté de battre" en lieu et place de "De battre mon cœur s'est arrêté".... Plus
plat, tu meurs. Comme quoi, le bizarre, le remuant, l'insolite tient à peu de
choses. On conviendra que cet adjectif inversé avait plus de gueule sous la
plume du gendarme. Et pour cause. Il faut toujours faire confiance aux artistes
! Dutronc chez Audiard et le gendarme assassin chez Anger. Pour ne pas l'avoir
compris, ce dernier a pris le risque de faire disparaître l'incongru. On préfère
pourtant de cette foi(s) prochaine à bien des scènes lourdement sigifiantes d'un
film qui prétend se mettre dans la peau d'un tueur en ne prenant même pas la
peine de respecter la scansion de ses imprécations ! La fois prochaine, pour
arriver à la hauteur de Jean-Pierre Melville, il faudra donc ne pas viser le
cœur mais comme Yves Montand dans "Le Cercle rouge" bien viser : soit la serrure
qui ouvre la porte du paradis bijoutier. Comme quoi à trop faire le malin, à
trop faire confiance à son sujet abyssal, on finit par se noyer dans un tout
petit détail mais quel détail... Cédric Anger ? Le manque de foi l'a tueR.
Une chose est certaine, à titre personnel, qu'est-ce qu'on aimerait pouvoir
dire : "La prochaine fois, je viserai ton cœur". Mais, c'est une autre
histoire.
voir aussi:
robe de soirée noir
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